Autoroute ADELAC

La longue histoire de l’autoroute A-41

ATMB: Les tracés

Depuis un lointain passé, des projets existent de réaliser une autoroute traversant l’Europe du Nord au Sud, ce qui représente pour la Haute-Savoie une liaison Saint-Julien-Annecy. Pour l’Apef, l’histoire commence avec le projet du concessionnaire ATMB (autoroute du Mont-Blanc) en 1990. Il est porté par l’Etat et l’Europe qui l’estiment urgent. Nous, Apef, en prenons connaissance grâce à l’enquête publique préalable. Sur notre territoire, 2 tracés sont proposés, à partir d’un tunnel sous le Mont-Sion jusqu’à la jonction avec l’A-40, l’un est rapidement abandonné car frôlant le Châble; l’autre est le favori des municipalités des 4 communes traversées (Présilly, Beaumont, Neydens et Feigères). Il représente un tracé qui, du tunnel sous le Mont-Sion rejoint les Crêts-de-la-Folle,  puis traverse par un viaduc tout le vallon en long et aboutit près de la Salette. Pour plusieurs raisons, ce tracé nous paraît inacceptable: le vallon de la Folle est saccagé sur une très grande distance, et Feigères subit toutes les nuisances: sur un viaduc aucune protection possible du bruit, des phares la nuit , paysage altéré, faune et flore du vallon en danger etc… Devons-nous nous opposer à ce projet? Nous savons que notre opposition n’a aucune chance d’avoir un effet;  selon notre ligne stratégique, nous cherchons à  miniser les nuisances du projet soutenu par les 4 municipalités. Un membre de l’Apef est ingénieur géologue; il étudie dans les moindres détails un autre tracé qui d’une part, distribue plus équitablement entre les communes les nuisances inévitables et d’autre part sauvegarde le vallon dans sa sauvagerie. Ce projet est soumis à la DIREN, et à ATMB qui l’étudient à leur tour et en font une nouvelle proposition soumise à enquête publique. Deux projets sont donc en lice, celui des maires, appelé P, et celui de l’APEF. Le 3 mai 1995, l’autoroute A-41, de Villy-le-Pelloux à Saint-Julien est déclarée d’utilité publique, mais le tracé sur notre région encore en suspens. L’Apef fait de l’information auprès du public, écrit à tous les organismes, organise un grand pic-nic dans le vallon, fait signer une pétition auprès des habitants; finalement, c’est le Conseil d’Etat qui tranche entre les deux et choisit le tracé Apef!

En rouge, le tracé des maires, en vert, celui de l'Apef

En rouge, le tracé des maires, en vert, celui de l’Apef

Viaduc selon tracé des maires, au fond, celui du tracé Apef

Viaduc selon tracé des maires, au fond, celui celui préconisé par l’Apef et réalisé par ADELAC

ATMB: Les déblais

Le creusement du tunnel, pourtant unique dans ce projet ATMB 1995, génère une énorme quantité de matériaux; où les stocker? ATMB prévoit de remplir la Folle, juste en amont de l’A-40, en la busant sur une très grande longueur. Cette solution convient aux différentes municipalités, dont Saint-Julien. Même la Chambre d’agriculture estime que c’est une bonne proposition, car elle augmente la surface agricole. Au nom de la loi sur l’eau, l’Apef s’y oppose formellement d’autant plus que la Folle est déjà busée au passage de l’A-40.  Epaulée par d’autres associations d’environnement, l’Apef mobilise les médias, écrit plusieurs fois au Préfet, au ministre de l’écologie D. Voynet ; fidèle à sa stratégie, elle propose un autre site, aussi facile d’accès que le vallon de la Folle, c’est le plateau de Cervonnex, en friche, dont Saint-Julien est propriétaire; l’espace est suffisamment grand; on peut  y étendre sur un mètre de haut tous les déblais du tunnel, le recouvrir de terre et en faire une terre agricole. Mais personne ne veut entrer en matière (ce site sera par la suite consacré au Casino de Saint-Julien). Le comité de suivi (composé du  Préfet, des représentants d’ATMB, des maires des communes riveraines, de la Chambre d’Agriculture, des représentants de l’environnement comme la Frapna, des représentants des pêcheurs), et dont l’Apef est partie prenante, est convoqué plus d’une demi douzaine de fois pour résoudre cette situation; à chaque fois, ATMB propose à l’Apef des mesures de compensations en échange de son acceptation du busage, le maire de Saint-Julien lui demande de faire des concessions ce  qu’elle refuse. Ne trouvant pas de terrain d’entente l’Apef dépose en février 1997 un recours fort bien documenté auprès d’un avocat; il le plaidera le 28 février 1998. Aussitôt, ATMB nous reconvoque et propose une solution miracle. Pourtant un arrêté déclarera d’utilité public avec urgence le projet de  création de dépôt de matériaux « Le Nant de la Folle » sur le territoire des communes de Feigères et Saint-Julien  en 1998. Voir les détails de  ces tractations par G. Suberlucq.

ATMB: la fin

Cette même année 1998, ATMB se heurte à la directive européenne « marchés publics et travaux »; l’Europe se retire du financement; après avis du Conseil d’Etat, le gouvernement décide de suspendre la réalisation des travaux, du fait de la violation de la directive européenne (28 mai 1998). Certains travaux avaient déjà été entrepris, dont la construction de la route pouvant amener les engins de Neydens à la Folle (travaux qui détruisent le débit d’une source importante à la Celle) et la destruction d’une maison d’habitation. Même en gagnant notre recours, notre contestation du busage de la Folle devient sans objet.

ADELAC

La déclaration d’utilité publique de l’A-41 a été prolongée, jusqu’en 2006. Dans le cadre global de la privatisation des autoroutes françaises, l’Etat lance un appel d’offre international.  Un marché de concession est attribué à la société ADELAC, filiale d’AREVA et de Bouygues. (Décret du 17.10.2005 approuvant la concession passée entre l’Etat de ADELAC). ADELAC reprend tout le travail d’ATMB, mais il projette un tunnel à 2 tubes. Et malgré cela, les coûts prévus pour la réalisation sont inférieurs à ceux de 1995. L’Etat ne finance rien, par contre la Région soutient financièrement ADELAC et Bouygues. Nous ne sommes informés de cette reprise que lorsque paraît une première enquête publique au sujet de l’autoroute A41, « volet eau et milieux aquatiques », enquête que n’avait pas réalisée ATMB. Nous y répondons, rencontrons le directeur d’ADELAC et son équipe, étudions le nouveau projet, expliquons nos points de vue.

Lors de notre AG de mars 2006, G. Suberlucq informe l’assemblée de notre position contre les nuisances de l’Autoroute A-41.

Une nouveauté par rapport à ATMB, c’est la fonction de chargé de l’environnement; celui qui la remplit est très ouvert au public, le reçoit, discute, et connaît profondément les impacts sur l’environnement et les manières d’y remédier si possible. Nous aurons dorénavant de nombreuses rencontres avec lui.

Après des discussions approfondies de nos propositions et des positions d’ADELAC, nous obtenons un certain nombre de points que la société ADELAC formalise dans ses engagements envers nous entre autres l’assurance – plans qui font foi – que les phares des autos la nuit ne seront visibles d’aucuns endroits de Feigères.

ADELAC: les travaux

Les travaux commencent très vite en plusieurs endroits à la fois au nord et au sud du Mont-Sion. Quelques étapes aux Crêts-de-la-Folle:

L'armée des engins prend position aux Crêts-de-la-Folle

L’armée des engins prend position aux Crêts-de-la-Folle, mai 2007

Quelques piles émergent, janvier 2007

Quelques piles émergent, janvier 2007. Au fond, la tranchée sur Neydens qui coupe le chemin creux reliant la Celle au Châble.

Les piles du viaduc sont en place

Les piles du viaduc sont en place, juillet 2007

Pose du tablier août 2007

Pose du tablier août 2007

Nous suivons l’avancement rapide des travaux avec intérêt, le gigantisme du tunnelier et son action sont imposants. Les réunions avec le chargé d’environnement se poursuivent. En décembre 2008 déjà, l’autoroute est inaugurée.

ADELAC, et maintenant?

Petit bilan: Les habitants de Feigères ne sont pas gênés par les phares de nuit. Par contre, le bruit est important, même si d’après les mesures effectuées il ne dépasse pas les normes officielles; les habitations proches, par exemple à la Celle, en souffrent continuellement; de plus, le claquement à chaque voiture qui passe sur le joint de dilatation sur le viaduc s’entend de très loin selon la météo.

La conséquence grave, attendue, inévitable de l’autoroute est la coupure irrémédiable qu’elle engendre sur le territoire, tant pour la faune que pour les humains. Ainsi nous constatons que les mares forestières de l’Agnellu sont désertées par la faune, que la soi-disante buse à petite faune au Biollay est inutilisable, aucun animal jamais n’a essayé de la franchir:

 

La petite faune n'est pas la bienvenue sous l'A-41

La petite faune n’est pas la bienvenue sous l’A-41

Le bassin de rétention près du Ciblet attire de nombreux oiseaux, tandis que celui près du viaduc à l’Agnellu n’est pas visité.

Pour les promeneurs, il n’existe plus de passage entre Feigères et Neydens sans emprunter les routes à voiture. Soyons justes, ADELAC n’est pas entièrement responsable. Par exemple, le chemin du Biollay qui reliait la Salette à Neydens appartenait en partie à un propriétaire privé qui a absolument refusé qu’ADELAC restaure ce chemin. La construction du viaduc avait nécessité la création d’une passerelle sur la Folle qui aurait pu subsister, mais la municipalité de Neydens l’a refusée, ainsi qu’elle a refusé qu’un pont relie la Celle au Châble.

Quelques mesures compensatoires:

Au fond, le nouveau chemin

Au fond, le nouveau chemin

Le long des mares forestières de l’Agnellu un chemin empierré a été créer pour désenclaver des parcelles: on le voit au fond  qui longe et protège la mare.

Merlon boisé

De chacun de ces tubes émergera un arbre

Le merlon qui borde l’autoroute aux Crêts-de-la-Folle est planté d’une forêt variée d’essences indigènes

 

LES CCAF 

La construction d’une autoroute génère un très grand nombre de perturbations dans les terres agricoles: des parcelles disparues, des parcelles coupées, des voies d’accès effacés etc… Le code rural prévoit cette situations et oblige le maître d’ouvrage, en l’occurrence ADELAC, de financer des remaniements parcellaires et des travaux comme la création de nouvelles voies, la plantations de haies, la régulation d’écoulement, (aménagements fonciers AF)  pour compenser les préjudices subis. Ces mesures compensatoires sont élaborées, discutées au sein des CCAF (Commissions Communales d’Aménagement Foncier). Elles sont créées par le Président du Conseil Général.

Une CCAF est constituée de :

  • Un commissaire enquêteur titulaire et son suppléant, désignés par le tribunal de Grande-Instance, il préside la commission.
  • Du maire et d’un conseiller municipal (+ 2 suppléants).
  • De représentants des propriétaires du foncier non-bâti (3 titulaires + 2 suppléants), élus par le conseil municipal.
  • De représentants des exploitants agricoles (3 titulaires + 2 suppléants), désignés par la Chambre d’Agriculture.
  • De représentants de la protection de la nature (3 titulaires + 3 suppléants), désignés par le président du Conseil Général, dont un titulaire et un suppléant désignés sur proposition du président de la Chambre d’Agriculture.
  • Un représentant et son suppléant du président du Conseil Général, désignés par le président du Conseil Général.
  • Deux fonctionnaires et leurs suppléants, désignés par le président du Conseil Général
  • Un délégué des Services Fiscaux.
  • Un représentant de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité.
  • Un représentant d’ADELAC (sans droit de vote)

Les titulaires et les suppléants sont invités à participer aux réunions. Les suppléants ne votent que s’il manque des titulaires.

La durée de vie de la commission est de 3 à 5 ans.

Des membres de l’APEF ont été invités à participer aux CCAF des communes du secteur nord, entre Saint-Julien et le tunnel à Présilly, en tant que « personnes qualifiées en matière de faune, de flore, de protection de la nature et des paysages ».

Un point important est de définir le périmètre dans lequel se fera cet aménagement foncier, c’est un bureau d’étude EGIS qui propose ce périmètre qui devra être accepté par ADELAC. Ce bureau d’étude contacte toutes les parties prenantes, dont l’APEF, et prend acte  des doléances qu’il juge légitime. Les CCAF sont convoquées régulièrement, les participants reçoivent les PV, les propositions, les plans à discuter. Les discussions prennent fin que lorsque tous les participants se mettent d’accord. C’est ainsi que l’APEF a participé à de nombreuses séances de CCAF. Pour plus de détails voir le texte pour l’Apef-Info 2010.